Derrière la vitre
les arbres passaient vite
et les fils électriques
à l'avant vous lisiez
des noms de villes
où j'aurais pu vivre
des villes fictives
sur une carte colorée
Orléans Tour Saumur
des villes sans passé
des villes vierges
d'enfants féroces en liberté
derrière la vitre
les arbres passaient vite
dans l’air chaud de l’été
Moulins Roanne Angers
des villes que j'aurais pu aimer
derrière la vitre
les fils électriques
passaient vite
dans l’air chaud de l’été
passaient des villes
que l'on traversait
sans s'arrêter

il est six heures déjà
et le plafond est toujours là
je pense à tous ces fils qui se balancent
au-dessus de moi
fils de lin fils de laine
fils d’Ariane ou fils de soie
fils tressés de ceux qui s’aiment
fils emmêlés et fils qui trainent
fils de chaussettes et fils de bas
fils qui se touchent à peine
et qui en restent là
fils trop longs ou trop courts
fils que l’on tire sans retour
fils qui lâchent
et fils qui tiennent
fils qui s'en vont et qui reviennent
fils qui ne se rejoindront pas
il est six heures à peine
et le plafond est toujours là
il est six heures à peine
dans le couloir j’entends des pas

De vous à moi
La chambre était trop froide et le lit trop étroit
J'en suis venu à haïr la pluie des trottoirs
La pluie qui n'en pouvait
Et que j'ai haïe autant que le ciel noir
Et les passants pressés
Car c’est par un jour de trottoirs mouillés
Et de passants pressés
Que j'ai couru entre vos draps
Que j’ai jeté à bas
Mes livres et mes cahiers
Pour une chambre trop froide
Et un lit trop étroit

La côte plus souvent
Au moins jusqu’aux hangars
Voir la côte plus souvent et n’attendre
Rien d'autre qu'une embellie

Après tout
Après tous ces trains
Après tout Je suis venu de loin
Après toute cette flotte
Et puis plus rien

Dans un film au ralenti
tu serais venue
Le même jour à la même heure
ça aurait plu
Même chambre même lit
ça aurait ravi
Ceux qui ne baisent plus

Hier encore l’eau est venue jusqu’ici
Jusqu’à l’hôtel sans vie
Et même jusqu’au kiosque
Mais pas une trace aujourd’hui
Pas un débris et je dis
Les vagues ne servent à rien

Les histoires de reviens
Sont des histoires de pluie
Des histoires sans fin
Il y avait des hangars j’en suis sûr
Je m’inquiète pour rien

La côte plus souvent
La côte au moins
Derrière le ciel blanc
Je dis je n’attends rien
Rien d'autre qu'une embellie

Quel jour sera-t-on
Ou quelle nuit
Quel temps fera-t-il
Et quelle température
En quelle saison
Et à quelle heure
A quel rythme
Battra ton cœur
Le jour où
Je m’en irai

Nous nous reparlerons
Au milieu d’une mer démente
Sur un chemin de crête
Ou des cimes tranchantes

Nous nous reparlerons
Au sortir de la guerre
Nous nous reparlerons
Le jour de notre guérison

Et après le grand incendie
Qui brûla nos maisons
Quand tous seront partis
Nous nous reparlerons

Il faudra bien cela
Contre le poids des jours
Qui eut raison de nos amours
Et de nos amitiés si fragiles

Il faudra bien cela
Pour tarir nos envies futiles
Pour balayer l’orgueil stupide
Qui nous a conduits jusqu’ici

Et quand enfin nous serons libres
Arrivés sur le seuil ultime
Là tout au bord du vide
Des vagues épaisses
Ou de l’écume acride

Soudain remonteront
Comme des tâches indélébiles
Les lambeaux de nos souvenirs
Les mots qui auraient dû venir
Et les cris des oiseaux cupides