ARCHIPELS Le blog de Michel Borla

Quelque chose me dit que la nuit
A des choses à cacher
Qu’avec ses airs de ne pas y toucher
La nuit en sait trop
Ou pas assez

Quelque chose me dit que la nuit
Ne nous dit pas la vérité
Notamment sur l’heure qu’il est
A cette heure-ci
Au milieu de mon lit

Quant à ce qui nous amène ici
La nuit n'a rien vu
Rien entendu
Bien entendu
Il n’y a rien à espérer
Elle n’en dira pas plus

Peut-être entre l'aube et l'aurore
Quand elle sera épuisée
Quand elle n’aura plus rien à perdre
Ou à gagner

Notre seule chance
Entre l'aube et l'aurore
Si nous sommes éveillés
 

Jeudi
18h face à la pharmacie
On avait dit
Au coin
Après le feu
Sur le boulevard tout droit
Qui va d'ici
À là
Jeudi
18h j'y suis depuis déjà
Face à la pharmacie
Au coin
Après le feu
Sur le boulevard tout droit
Je vais d'ici à là
Sans résultat
On avait dit
Jeudi d'ici
18h
Après la pharmacie
Le feu là-bas
On avait dit ici
Au coin
Face au boulevard
Qui va d’ici à là
Tout droit
On avait dit

 

Je répartis les skieurs sur les pistes
En fonction des tailles et des couleurs
Car la montagne est triste
Quand règne l'anarchie
Il faut remplir les vides
Eviter les amas de couleurs
Les combinaisons déjà vues
Les horreurs
Quitte à séparer des familles
Ou rapprocher des inconnus
Pour le meilleur ou pour le pire
C’est ainsi
 

Déjà démarrent les téléskis
Dans le bas ça s'empile
Heureusement je m’active
J'entends qu'ils rient
Le soleil brille !
Ici au moins on respire !
Je les dispose à ma guise
J'en ôte ici j'en pose là
J'en mets un peu entre les sapins
C'est ma touche personnelle
Je mets un ours aussi
Et un ravin

En chemin je me suis arrêté
Quand ?
Je ne saurais pas dire vraiment
Ni où
Enfin le ciel est le même partout
Alors...
Vous qui êtes devant
Sur les côtés autour
Presque tous là mais
Plus loin chaque jour
Je ne vous entends pas
Et je vous vois à peine
J'ai mes propres oiseaux
Mes poches pleines
Mes bruits de vague
Mes ciels de traîne
J’ai mes arbres sur la place
Mes pluies passagères
Mes voix de femmes
Comme des perles éparses
Sur des tapis de laine
J'ai mes brouillards givrés
De branches qui cassent
A force de cabanes abandonnées
Mes palaces
J'ai ma boîte de peintures
Une lettre de toi
Le bruit du boulevard en bas
Derrière mes paupières closes
Celui de la clé qui tourne dans la porte
Et qui me sauve
Une fois encore

J’ai dépassé
Un jour c’est vrai j’ai dépassé
En faisant la mer
Du mieux de mon crayon bleu
Bien taillé
Une côte pourtant facile
Du côté de Biarritz
Mais je suis allé trop vite
J’ai dépassé la ligne noire
Un peu avant l’Estuaire
Excès de confiance
Coup de coude intentionné
Ou bien la voix du maître
Si je savais
J’ai dépassé
Sans savoir
J’ai mis du bleu dans le vert
Pour la première fois
J’ai dépassé
La mince ligne noire
Du bleu dans le vert
Ça n’a rien fait

Je te montre les rails
Qui mènent tout droit
Au bout de la plaine
La beauté de l’acier
La perspective sereine
 

Tu me parles d'aiguillage enrayé
Et de gare ancienne
Qu’on aurait dépassée
Tu me parles d’une idée
Plus belle que la mienne
 

Et voilà que tu me laisses à quai
Voilà que tu fais comme si
Tout ceci n'avait été
Qu'un jeu d'enfant comme si
L’on pouvait sur un coup de tête
 

Aller tout droit
Au bout de la plaine
Sans risquer de se perdre
Sans raser des villes et des forêts
Comme s'il suffisait de décider

Comme s’il suffisait de regarder en l’air

Comme s’il suffisait de rêver

Tu me laisses à quai j’ai dit
Tu me laisses
Le dos rouillé boulons serrés
Tu fais comme si
Nous avions encore le temps
Comme si nous n’avions pas fait
Le plus gros du trajet

               Malgré tout croire au métal

Octobre 2023